Un peu de caviar?
A l’occasion d’une séance de travail sur un texte censuré, j’ai appris une nouvelle expression : passer au caviar ou caviarder.
Je me suis demandé quel pouvait être le lien entre l’exercice de la censure et les œufs d’esturgeon constituant ce hors-d’œuvre réservé aux plus aisés d’entre nous.
Pour ne pas vous faire languir, passons tout de suite à l’explication :
Caviarder un texte signifie donc « biffer à l’encre noire, supprimer un passage dans un manuscrit ».
L’expression fut tout d’abord un terme d’argot journalistique employé dans le contexte de la Russie de Nicolas 1er. La censure russe appliquait en effet de petites touches d’encre noire sur les passages qu’elle jugeait non-conformes à la ligne du régime.
Pour les férus de sémantique, le passage de caviar à l’expression caviarder est donc d’ordre analogique. L’analogie d’aspect entre le mets raffiné et les petites taches noires de la plume censurante permet en outre un passage du nom au commun au verbe d’action.
Attention !
Le néologisme caviarder a un paronyme avec lequel il ne faut pas le confondre : caviardiser.
Caviardiser signifierait donc, en cette époque de politique dénonciatrice, « glisser dans la gauche-caviar ».
Ce verbe affreux construit selon l’exemple de son horrible grand-frère ringardiser, envahit les papiers des journalistes comme un bon mot qu’ils se passent d’articles en articles.
A quand le caviardage (oui, ce mot existe vraiment !) de ce néologisme malheureux !